Ce travail s’inspire d’une observation des gens dans les transports en commun, notamment dans le métro. Dans cet espace public, lieu de transit anonyme, l’individu est élément de la foule en mouvement. Et pourtant, dans l’instant immobile du trajet, le passager s’extrait de l’environnement, on peut observer un déplacement de l’espace public à l’espace intérieur. L’autre n’existe plus, il en résulte un abandon temporaire des codes de socialisation, presque une délivrance, qui révèle sur les visages et les corps des paysages intérieurs. Dans l’immobilité de l’attente, le réel est transfiguré, les gestes arrêtés prennent une dimension picturale et révèlent la singularité de l’individu. Le passager perd sa dimension ordinaire. C’est cette frontière ténue, ce moment d’abandon qui m’intéresse. Ce glissement de l’espace public à l’espace intime. Le contraste entre une situation du quotidien et la dimension tragique intérieure, dévoilée par des ébauches de gestes qui évoquent des images de la peinture classique. Je compose ainsi des tableaux photographiques avec des sujets ordinaires et j’essaie de révéler l’essence de ces personnages du quotidien. J’ai choisi de mettre ces attitudes en scène dans un studio, d’isoler les personnages du décor, de les décontextualiser pour en accentuer l’aspect intime. J’isole les personnages sur fond neutre et je reproduis leurs gestes immobiles. À travers ce travail, je cherche à mettre en évidence l’être soi face à la perte de l’identité dans la société contemporaine. Corinne Mariaud 2010